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MORMAL

Cette immense forêt de 10 000 hectares au cœur d'une région très peuplée, reste à l'origine de légendes qui, trop souvent, ne sont que la transposition de thèmes mythologiques issus de l'imaginaire culturel français.

Par ailleurs l'origine du nom de «MORMAL » est généralement galvaudée usurpant sa véritable identité.

Ceci relève d'une banale mais vivace méprise, résultat de l'imprégnation par le récit de l'histoire de France, réécrit il y a un peu plus d'un siècle, et inventant « nos ancêtres les Gaulois » pour gommer le plus possible l'origine germanique des dynasties mérovingiennes, carolingiennes et plus généralement de la noblesse. En effet après 1870, l'ennemi n'est plus l'Anglais, mais l'Allemand, auquel s'est adjoint le danger du retour d'un régime royaliste: deux bonnes raisons pour effacer les Germains de l'histoire nationaliste française réinterprétée à la fin du XIXème siècle.

Pour comprendre MORMAL, il faut revenir aux sources historiques et reprendre quelques bases de géographie.

MORMAL constitue le cœur géographique du Comté du Hainaut, dont l'histoire fut modelée par l'héritage d'un peuple germanique, les Francs. Leur influence dans notre région reste encore fortement minorée voire ignorée, résultat de cette vision déformée de l'histoire .

Revenons aux sources, celles de la Belgique romaine.

Bavay, Bagacum en latin, devient la capitale des Nerviens après leur défaite face à César.

Les Nerviens sont un des peuples belges, qui se distinguent des Gaulois par leur origine germanique tout en étant de culture celtique. César distinguait les Belges des Gaulois, c'est pourquoi il serait plus juste de parler des Belgo-Romains plutôt que de Gallo-Romains pour qualifier les habitants de notre région à cette époque.

La « civitates Nerviorum » cité des Nerviens, couvre la région allant de Cambrai à Anvers (Cambrésis, Hainaut et Brabant actuels).

La cité belgo-romaine de Bavay se trouve pendant quatre siècles au coeur du dispositif militaire impérial romain qui relie Boulogne à Cologne et qui protège les capitales belges que sont Trèves et Reims.

Cet axe fut même fortifié pour faire face aux incursions des Germains. Mais à partir de l'an 300, pour protéger la Belgique, les Romains font appel aux Francs, peuples germains coalisés près du Rhin et les installent comme « fédérés » dans le nord du Brabant.

Alors que la Belgique romaine se dépeuple en raison de l'insécurité, les Francs vont ainsi repeupler massivement le territoire jusqu'au nord de la Somme et de l'Oise. Plusieurs royaumes francs se contituent dont ceux de Tournai et de Cambrai, alliés de l'Empire romain qui pourtant se désagrège au cours du Vème siècle.

L'abandon de la Grande-Bretagne par les Romains et la colonisation franque rendent inopérante la voie Boulogne-Cologne, et Bavay est détronée au profit de Cambrai.

Les Francs sont les premiers peuples germaniques qui se latinisent du fait de leur enrôlement massif dans les légions. Les élites franques sont bilingues mais l'usage du francique subsitera en Hainaut jusqu'à Charlemagne. Le latin fut généralisé en simultanéité avec la conversion au Christianisme du VIème au VIIIème siècle.

Après l'abandon des vastes domaines agricoles romains (les villas), la création de nombreux villages date de cette époque. Leur origine franque est indéniable, confirmée par l'archéologie et la toponymie.

Aussi rechercher une origine gauloise ou latine à la plupart des noms de lieux du Hainaut, comme le font de nombreux auteurs, est manifestement une erreur, car la réalité historique est celle d'une origine franque, avec des termes ou des noms franciques, mais retranscrits sous forme latinisée, en raison du caractère spécifique de la romanisation des Francs de l'ancienne Belgique romaine. La retranscription en latin n'indique pas une origine romaine.....

Pour ces différentes raisons, la signification de MORMAL pourait-elle s'expliquer en langue francique?

Les noms de lieux du Hainaut se terminant par -villers trouvent leur équivalent en Rhénanie, au Luxembourg et jusqu'en Lorraine et Alsace avec les terminaisons en -weiler, -viller, -willer et même wierre en Boulonnais. Ils complètent un nom germanique de personne. Ce sont des noms franciques retranscrits en latin.

Il en est de même pour les terminaisons en -court (dérivé de -couter), en -ignies (-ange au Luxembourg et Lorraine, -ingen en Rhénanie, Flandre, Artois et Boulonnais).

D'autre noms ont conservé leur prononciation francique aux cours des siècles ou sont à peine modifiés: Marbaix (Moerbeke), Wallers, Marcq en Ostrevant, Avesnes (Oefesn en vieil anglais).

La toponymie franque « latinisée » est dominante en Hainaut comme en Artois, et dans le reste de la Wallonie.

Restons en Belgique pour constater la vingtaine de noms de lieux se terminant par -mal.

Flémalle, Xhendremael, Momalle, Horpmaal, Vechmaal, Vliermaal près de Liège et de Tongres, Mermalle près de Huy, Wazemaal et Wijgmaal près de Louvain, Westmalle et Ostmalle à Anvers, Dermaal, Orsmaal, Halmaal à St-Trond, Bomal près de Gembloux ainsi que Fumal à Andenne.

Les études toponymes, notamment celles de Gysseling (toponymish woordenboek), donnent au suffixe -mal (-maal, -malle, -mael), la signification de « dépression, fosse, fond de vallée, creux » en ancien francique et ancien néerlandais. La parenté de MORMAL avec ces toponymes n'est-elle pas réelle ?

En dialecte local MORMAL se dit Mourmo. La mutation de « al » en « o » est typique d'un terme germanique utilisé par une population latinisée comme par exemple en Artois où le village de Dohem s'appelait autrefois Dalhem, et Fauquembergues vient de Falkenberg comme Audinghem est issu de Aldingen.

La prononciation dialectale vient bien confirmer l'origine germanique (francique) du suffixe -mal et de surcroit nous éclaire sur la première partie du nom : Mor prononcé Mour.

Ce terme est parfaitement compréhensible en plusieurs langues germaniques et signifie « tourbière » ou zone marécageuse et humide (Moer en néerlandais qui se prononce mour, Moor pour lande en anglais).

L'usage de ce terme est fréquent comme l'illustrent Morbecque (le ruisseau des marais), Marbaix (même signification), les Moeres (De Moeren) et des dizaines d'autres en Belgique.

MORMAL signifierait en langage contemporain « les dépressions humides ».

Qu'en est-il de la réalité géographique ?

La forêt de MORMAL est située au sommet du plateau hainuyer qui forme l'interfluve entre le bassin de l'Escaut et celui de la Sambre (affluent de la Meuse). La ligne de partage des eaux parcourt ainsi la forêt. Les sols limoneux sont peu épais et sont entaillés par les multiples ruisseaux laissant apparaître les marnes imperméables en fond de vallée.

Le relief est marqué par des vallonements de faible amplitude mais particulièrement nombreux (altitude moyenne entre 140 et 160 mètres).

Cette structure géomorphologique et géologique fait de MORMAL un immense château d'eau avec de multiples sources et fontaines, d'innombrables ruisseaux, mares et petites rivières donnant naissance à la Rhonelle, l'Aunelle, l'Ecaillon, l'Hogneau, la Sambrette, rivières plus conséquentes se jetant soit dans l'Escaut soit dans la Sambre.

Vallonnements, creux et bosses (les cyclistes reconnaîtront...), mares, ruisseaux et fontaines, cressonières, viviers, étangs, terres humides forment la physionomie réelle de Mormal, qui confirme l'origine francique du nom: Mormal, Mourmo, Mourmal, et en néerlandais moderne Moermaal.

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