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La question de la nationalité belge.

Transposer les termes de cette question aux siècles précédents recouvre une signification différente, liée à la notion d' Etat, selon que l'on soit en république, royauté ou empire.

Pour la France, comme pour d'autres pays européens, ce fut la reconnaissance d'un souverain qui définissait un peuple et une nation.

La révolution en changea les termes qui furent rapidement bouleversés par le régime de la terreur puis par le régime impérial, ce qui rend parfois difficile de retrouver la véritable nature de la notion de nationalité.

Artois, Flandre, Hainaut et Cambrésis, furent pendant des siècles, provinces des Pays-Bas, un Etat sous la souveraineté des Ducs de Bourgogne, puis des Habsbourg. Cette histoire de notre région, différente de celle de la France jusqu'en 1713, date du traité d'Utrecht, modifie l'approche de la nationalité pour les habitants de ces provinces, qui n'étaient donc pas français.

Les Pays-Bas formaient un Etat à caractère fédéral (pour employer une terminologie contemporaine) qui conservait l'identité propre des habitants de chaque province: Artésien, Flamand, Hainuyer, Cambrésien, Brabançon, Limbourgeois, Hollandais, Luxembougeois, Namurois. Les Pays-Bas étaient d'ailleurs communément appelés « les XVII Provinces ». A l'origine la Flandre était la province la plus puissante, et comme la construction des Pays-Bas partit de Flandre, longtemps on utilisa les termes Flandre et Flamands dans toute l'Europe pour désigner les Pays-Bas et leurs habitants.

Pourtant il existait bien entre toutes les provinces un sentiment global d'appartenance à une même patrie, identifiée par son souverain. D'abord les Ducs de Bourgogne conduisirent les habitants à se reconnaître comme « Bourguignons » puis les Habsbourg, dont le petit fils de la Duchesse Marie de Bourgogne, Charles Quint, devint roi d'Espagne, amena les habitants de toutes ces provinces à se dire « Espagnols », car sujets de roi d'Espagne.

Quand le peuple se révolta contre son roi, Philippe II, les insurgés se nommèrent « les patriotes » de la Hollande à l'Artois.

L'unité de cet Etat est réelle dès la souveraineté de Philippe le Bon, qui ne reconnaît plus le lien féodal de vassalité qui le liait au roi de France pour l'Artois et la Flandre. La frontière impériale est d'ailleurs déplacée sous Charles Quint, de l'Escaut à l'Authie, qui constitue alors la frontière avec la France.

Les traités, rédigés en latin, désignent cet Etat, sous le nom de Belgica, en référence évidente à l'antique Belgique romaine.

Dans la langue majoritaire parlée en « Belgica », le néerlandais, l'équivalent employé est « Nederland », de même qu'en français dès le XVIème siècle, l'on parle de « Pays-Bas ». Curieusement aucun adjectif ne correspond à ce nom en français alors qu'en néerlandais existe « nederlander ».

L' usage des termes « Belgique » et « Belge » fut plus restreint. Soulignons que « Belge » était aussi un nom pour désigner le pays « la Belge » et que « belgique » était un adjectif, employé plus souvent dans l'expression « provinces belgiques », (on trouve le même double emploi avec perse et persique, le peuple perse, le golfe persique, la Perse).

A l'issue de la guerre civile et religieuse et de la révolte contre le pouvoir royal, le pays connut à partir de 1579, deux gouvernements distincts, l'un contrôlant le sud (l'union d'Arras), et l'autre le nord (l'union d'Utrecht). Le premier reconnaît le pouvoir royal et se nomma alors « Belgica Regia »(les Pays-Bas espagnols), le second destitua le roi et devint la « Belgica foederata », traduit par « Provinces Unies » et généralement appelée « Hollande », nom de la province la plus importante.

La conscience d'une seule nation restera inscrite dans le peuple mais finit par s'effacer après des décennies, au profit de deux identités, hollandaise au nord et belge au sud.

La politique annexionniste de la France amputera le sud des Pays-Bas espagnols, la Belgica Regia perdra l'Artois, le Cambrésis, et l'ouest de la Flandre et du Hainaut.

Le sentiment d'appartenance aus Pays-Bas ne s'efface pas malgré la conquête française, Louis XIV parle des Pays-Bas soumis à son obéissance, les Pays-Bas français, et l'expression « provinces belgiques françaises», restera courante jusqu'à la révolution pour désigner ces provinces belges de France. Cette situation n'est pas unique ni paradoxale, il existe une Irlande républicaine (l'Eire) et une Irlande rattachée au Royaume Uni (l'Irlande du Nord), ou, autre exemple, un Pays Basque en France et en Espagne, et jusqu'en 1989, deux Allemagne, ou encore deux parties à Chypre pour ne parler que des pays européens.

Les Belges de France conservent alors leurs particularités, leurs identités provinciales: les Flamands pour la région de Dunkerque-Hazebrouck de langue néerlandaise, les Wallons du Hainaut (Hainuyers), d'Artois (Artésiens), du Cambrésis (Cambrésiens), et aussi de Lille, Douai, Orchies, rassemblés dans la Flandre wallonne, au double statut avec une culture wallonne et une histoire flamande. A Douai, Arras, et Valenciennes chacun est conscient de son identité wallonne.

En 1815, après Waterloo, les Provinces Unies « hollandaises » et les Pays-Bas « belges » sont réunis pour former le Royaume des Pays-Bas, dont le souverain Guillaume Ier, réclame la récupération des provinces annexées par la France, le déplacement de la frontière sur la Somme étant en discussion entre les alliés. Le traité de Vienne maintiendra la frontière de 1713, mais les Pays-Bas obtiennent le stationnement de garnisons alliées dans le Nord de la France jusqu'en 1818. Notre région a failli redevenir belge et les habitants restaient conscients de leur ancienne appartenance aux XVII Provinces.

En 1830, la Belgique se sépare du royaume des Pays-Bas, dont le nom subsiste aujourd'hui pour désigner les anciennes Provinces Unies autour de la Hollande.

Le XIXème siècle est marqué par une crispation sur les nationalités en Europe, qui aboutira aux guerres qui meurtriront notre région, celle-ci se cherchant une nouvelle identité « nordiste » et le nom « Chtimi » venant combler l'oubli de la nature belge des habitants, forgée par l'histoire et renforcée par un apport de population massif depuis la Belgique à compter de 1850, tant flamand que wallon.

La fusion du Nord-Pas de Calais avec la Picardie ôte toute unicité historique à cette nouvelle région, et ouvre peut-être la voie à la résurgence des racines réelles des provinces belges de France, Flandre, Artois, Hainaut et Cambrésis.

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