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la Scaldie.

 

Dès la fin de l'époque carolingienne, la puissance politique des provinces de Flandre, Hainaut et Brabant va émerger et s'individualiser face à l'empire romain-germanique et au royaume de France.

Rassemblées et regroupées avec les provinces voisines, elles constitueront les Pays-Bas (Nederlanden). Cette évolution est source de débats entre historiens afin de déterminer la part des volontés et héritages dynastiques dans une dynamique d'alliances de voisinage entre provinces.

Ce parcours de près de dix siècles de 843 à 1815, ne repose pas uniquement sur des faits historiques, mais aussi sur une logique économique et géographique.

L'espace géographique qui sert de cadre pour illustrer les faits d'une période historique n'est pas le résultat d'un choix arbitraire. Il doit permettre une lecture, au sein d'un même territoire, des faits reliés par la même dimension historique. A la lumière des analyses précédentes, il apparaît évident que l'histoire régionale ne peut s'illustrer sur une carte limitée au cadre administratif actuel, approche totalement réductrice.

La cohérence de l'analyse ne peut se concevoir que dans un espace plus vaste et plus pertinent. Le territoire couvert par le bassin de l'Escaut répond aux conditions essentielles d'une échelle géographique suffisante. L' Escaut, ses affluents et son embouchure maritime ont gouverné l'organisation territoriale, les flux d'échanges et de communication de cette région, que nous nommerons la « Scaldie »,ou « Scheldeland » , du latin « Scaldia ».

Les marges de la Scaldie sont parties intégrantes de cet espace historique: L' Ardenne et la vallée de la Meuse moyenne, la région des caps et des fleuves côtiers autour du Détroit, le grand delta et les plaines littorales de la Meuse et du Rhin qui rejoignent l'Escaut en Mer du Nord.

Cet ensemble plus vaste que la Scaldie, recouvre la Belgica de l'empire romain, comme les Pays-Bas des XXVII provinces, et permet de comprendre les enjeux géopolitiques durant plus de vingt siècles d'un espace de contact entre Britannia, Gallia et Germania à l'époque romaine, devenu espace de conflit, ou d'équilibre entre l'Angleterre, la France et l'Allemagne.

Ce cadre géographique est indispensable pour s'affranchir d'une présentation de l'histoire régionale dans un espace uniquement français et autorise une compréhension des réalités régionales où la prédestination française est absente.

Les Belgo-Romains de Bagacum (Bavay) et de Gesoriacum (Boulogne), les Saxons de Cuentawik (Quentovic), les rois Francs de Tornacum (Tournai) et de Cameracum (Cambrai), les drapiers d' Arras, les gueux protestants de Valenciennes, Tourcoing et Hondschoote ne se sentaient pas « Français ». Pourquoi alors écrire leur histoire comme celle de la France alors qu'elle est sensiblement différente, et plus européenne que nationale?

D'ailleurs Vercingetorix et Charlemagne n'étaient pas Français!

Inscrire sur un monument de Douai « sous le règne de François 1er », relève du détournement idéologique aux dépens du souverain légitime Charles Quint !

Pensons aussi au présent qui écrit l'histoire immédiate, les frontières effacées depuis le traité de Maastricht, une monnaie unique, une cour européenne de justice, des villes qui affirment leuridentité européenne, autant de signes d'une évolution de la notion d'état-nation.

La Scaldie, dont la définition géographique recouvre le bassin de l'Escaut, va émerger dès la fin de l'empire romain, dont le « Litus Saxonicus » était le rempart.

Le « Litus Saxonicus » ou littoral saxon, comprenait les côtes romaines de la Mer du Nord et de la Manche, protégées par la flotte romaine, dont Bononia-Gesoriacum (Boulogne) était l'un des ports d'attache.

Pour contrôler la circulation maritime et tout particulièrement celle du détroit du Pas-de-Calais, un système défensif est mis en place pour faire face aux attaques des marins Frisons et Saxons.

Les Romains, fidèles à leurs principes d'alliances avec des peuples non soumis pour mieux sécuriser leurs frontières, s'associèrent ainsi les services de mercenaires Saxons pour protéger leurs côtes. Dès lors les marchands Frisons et Saxons vont commercer avec les Romains tout en leur faisant face, et vont occuper tout l'espace littoral de la Mer du Nord et d'une partie de la Manche.

La colonisation de la Grande-Bretagne et de la Morinie par les Saxons après le départ des Romains, va renforcer l'importance du lien maritime. Alors que les Romains avaient privilégié l'axe terrestre de Bononia (Boulogne) à Colonia (Cologne), la circulation maritime valorise les territoires littoraux dont la liaison avec l'intérieur se fait par les fleuves.

L' Escaut, La Meuse et le Rhin, prennent alors une importance économique fondamentale.

A la différence du Rhin et de la Meuse dont les bassins hydrographiques sont contraints très vite en amont par les massifs de moyenne montagne de l'Ardenne et de l'Eifel, l'Escaut et ses affluents forment un vaste bassin hydrographique, proche du littoral, composé de plaines et de plateaux peu élevés, où la navigation fluviale est aisée, constituant ainsi un espace économique unique partageant un débouché commun avec la Meuse et le Rhin, ouvert sur les plaines d'Europe du Nord.

Les fleuves littoraux, l' Aa et l' Yser intimement liés aux plaines du bassin de l' Escaut confortent cet ensemble que nous nommons Scaldie.

Grâce à ce réseau navigable et à sa façade maritime très accessible, deux provinces vont s'individualiser, la Flandre sur la rive gauche et le Brabant sur la rive droite, le fleuve jouant le rôle de lien entre les villes qui s'associeront au moyen-âge pour réguler la navigation.

La création de villes nouvelles aux ruptures de charges, en fin de parcours navigable, va permettre à Aire, Béthune, Arras, Douai, Valenciennes, Bruxelles, et Louvain de connaître un essor fabuleux et ainsi éclipser les anciennes cités romaines de Tournai, Tongres et Cambrai .

Bien avant de posséder un souverain unique, les provinces de Flandre et de Brabant, et leurs voisines, Artois, Hainaut, Namur, Limbourg, et Hollande, seront unis par l'Escaut qui assurera leur essor économique et culturel, source d'une brillante civilisation qui rayonnera sur l'Europe pendant un millénaire.

Cette civilisation « scaldienne » est majoritairement de langue néerlandaise, mais a toujours comporté une composante wallonne tant en Flandre (Lille, Orchies, Douai) qu'au Brabant (Nivelles), ainsi que des provinces uniquement wallonnes, Artois, Hainaut et Namur. Le peuplement Franc de ces provinces est indéniable, leur romanisation intervient à partir du VIIème siècle par la convergence de la christanisation et du bilinguisme des élites franques de Tournai et Cambrai.

La Géographie commande l'Histoire, ou rappelle régulièrement aux territoires, leur inévitable cohérence avec des espaces voisins, structurés par le même relief, les mêmes fleuves, les mêmes littoraux et la même géologie.

L'histoire régionale est commandée par la logique géographique du Bassin de l'Escaut, que nous valorisons sous le nom de Scaldie. Ce cadre cartographique est suffisant pour l'essentiel des évènements historiques, mais ne peut être tronqué ou amputé comme il l'est trop souvent, réduisant l'histoire régionale à une vision déformée. Ce cadre cartographique doit par contre s'élargir jusqu'à la Weser, la Seine et la Tamise pour bien situer les enjeux entre Germanie, Gaule et Britannia, ou entre Allemagne, France et Angleterre.

Enfin le cadre européen et ses confins méditerranéens s'imposera lorsque l'histoire régionale sera Romaine, puis à l'origine de l'Empire Franc, et des croisades, et enfin partagée avec l'Espagne, le Royaume de Naples, la Lombardie, l'Autriche, et l'Europe centrale.

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